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Via AISLF – Appel à contribution, revue SociologieS : « L’enquête ethnographique »tout-terrain« : circulation et combinaison des sites de recherche »

Publi� le jeudi 4 juin 2015 � 14 h 30 min par Amélie Groleau.

Date limite: 1er septembre 2015.

Un appel à contribution est lancé pour un Dossier thématique de la revue SociologieS par Michaël Meyer (Université de Lausanne), Adeline Perrot (Université de Nantes) & Isabelle Zinn (Université de Lausanne et EHESS, Paris) sur le thème de « L’enquête ethnographique »tout-terrain«  : circulation et combinaison des sites de recherche »

Appel à contribution

La pratique ethnographique est marquée par l’implication des chercheur·e·s et le partage d’un lieu avec des enquêté·e·s, pendant une durée prolongée. Cette manière de faire du terrain en sciences sociales est aujourd’hui questionnée par certaines transformations de la méthode ethnographique, enrichie par les interrogations sur le rôle de l’ethnographe, la délimitation spatiale et temporelle de son travail, ou encore les conséquences sociales et politiques des observations (Cefaï, 2010). Principal changement, l’enquêteur·trice fait à présent valoir sa “mobilité” dans les espaces, mais aussi dans les temps de l’enquête. Lorsque le déroulement de la recherche favorise sa circulation, l’ethnographe multiplie en effet les engagements in situ, collecte une diversité d’événements situationnels, rapproche des « jurisprudences » au sens de la démarche combinatoire de Dodier et Baszanger (1997) en identifiant la pluralité des formes d’action qui font sens sur les lieux d’ancrage et d’investigation des mondes étudiés.


Le format de la monographie se déploie aussi à présent vers l’analyse des processus qui insistent non sur l’étude synchronique de cas, mais sur l’observation des changements et des dynamiques dans lesquels ces cas prennent place. Cette ethnographie « processuelle » (Glaeser, 2006) délaisse le site d’enquête unique au profit d’une étude des connexions (de personnes, de techniques, d’objets, de capitaux, d’informations, etc.) entres différents sites.
Dans cette perspective, l’ethnographie ne peut se satisfaire d’une co-présence prolongée avec les enquêté·e·s sur un lieu unique. Il est question de suivre empiriquement un phénomène qui traverse plusieurs lieux (Marcus, 1995), y « pister » des interactions au regard du contexte fragmenté dans lequel se forment les pratiques et les trajectoires. Dès lors, il s’avère judicieux d’adopter une démarche inductive s’efforçant de ne pas en venir trop rapidement à la « clôture toujours relative » (Rémy, 2009) des opérations d’analyse. Ce parti pris des chercheur·e·s permet de considérer les matériaux récoltés comme instables, contribuant à renouveler voire infléchir le cours de l’enquête.

Ce Dossier thématique souhaite rassembler des enquêtes qui observent une activité proche sur plusieurs terrains, non dans une perspective comparative proprement dite mais pour retracer l’itinéraire de cette activité à travers différents dispositifs. Les chercheur·e·s ne sont pas fixés sur un seul terrain mais circulent ainsi entre différents chantiers afin de suivre les formes d’activités auxquelles ils/elles s’intéressent et de pouvoir retracer leur accomplissement.

Il s’agira pour chaque article de montrer comment le fait de multiplier les terrains, de rebondir d’une scène d’exploration à une autre, aide à comprendre les traits communs des situations, à éclairer différents aspects d’un même phénomène et ainsi dégager des formats d’action se rapportant à une activité plus générale. Dans ce sens, nous attendons des travaux qui sortent des approches ordinaires et qui évitent la comparaison d’unités culturelles distinctes par la simple juxtaposition de modèles décrits. Cet « engagement ethnographique » (Cefaï, 2010) envisagé sous l’angle “tout-terrain” ne tient pas tant aux sites de recherche qui se seraient dispersés mais il relève d’une prise en compte de la non-linéarité du social.

Le Dossier propose trois pistes afin d’aborder les principales “mobilités” auxquelles sont invités les chercheur·e·s optant pour une démarche ethnographique “tout-terrain” telle qu’elle a été esquissée ci-dessus. Chaque proposition pourra s’inspirer de l’une ou plusieurs de ces pistes.

Piste 1 : Ethnographie multi-site, combinatoire, processuelle…

● Quand et pourquoi opte-t-on pour une démarche “tout-terrain” ? Quelles disciplines ou interrogations invitent à des pratiques d’ethnographie sur plusieurs sites d’enquête ?
● Comment s’opère le choix des sites d’enquête et quels sont les modes d’entrée sur chacun d’entre eux ? Comment l’ethnographe (ré)oriente-t-il/elle à chaque fois la manière de se présenter et d’exposer son enquête ?
• La récolte empirique de données se présente souvent sous la forme de matériaux hétéroclites qu’il faudra organiser, trier, relier en vue de leur analyse simultanée. Comment cette gestion de données s’effectue-t-elle concrètement lors d’enquêtes “tout-terrain” ?

Piste 2 : La revisite ethnographique : les allers et retours sur les terrains

Si l’enquête peut être élargie dans l’espace par la multiplication des sites observés, elle peut également être élargie dans le temps. L’ethnographie “tout-terrain”, en envisageant dans la durée plusieurs sites, peut alors induire des enchevêtrements de recherches, conduites à des périodes plus ou moins distantes.
● Quelles relations se mettent alors en place entre des chercheur·e·s ayant partagé des sites communs et/ou se croisant au gré de leurs circulations ? Quelles formes de collaborations ou de conflits de « juridiction » (Abbott, 1998) sont instaurées par la pratique de l’ethnographie “tout-terrain” ?
● Il s’agit d’explorer des exemples de « revisite » ethnographique telle que définie par Michael Burawoy (2003). La revisite désigne la conduite d’une ethnographie sur un site déjà visité par un ou plusieurs autres chercheur·e·s.
● Si la revisite ethnographique peut être envisagée du point de vue du chercheur qui renouvelle les observations d’un autre, elle peut aussi être pensée du point de vue de celui/celle dont le/les terrains ont été revisités, et dont éventuellement les résultats d’observation ont été remis en cause par les nouveaux venus.

Piste 3 : Les différentes modalités d’engagement des chercheur·e·s

Cette troisième piste intégrera des propositions qui réfléchissent aux conséquences des pratiques “tout-terrain” et/ou qui abordent les implications des passages du chercheur entre différents sites.
● Qu’est-ce que les démarches “tout-terrain” font aux méthodes classiques de l’observation participante ? Les passages de l’ethnographe entre plusieurs sites perturbent-ils la négociation du statut de départ (stagiaire, bénévole ou chercheur.e) ? Comment ce statut et les modalités d’engagement fluctuent entre les différents sites ?
● Si la relation d’enquête est transformée par l’engagement “tout-terrain” de l’ethnographe, elle peut alors aussi être envisagée sous l’angle d’éventuels effets pour les personnes ou les sites enquêtés.

Conditions de soumission
Si les textes soumis peuvent s’inscrire dans une pratique ethnographique combinant plusieurs démarches à la fois (observations, entretiens, analyse de documents, instrumentation audio-visuelle, etc.), ce numéro favorisera des propositions se basant sur des périodes d’observations in situ et dans la durée.
Les propositions sont attendues au plus tard pour le 1er septembre 2015. Le résumé d’article de 5000 à 7000 signes précise la perspective disciplinaire, les choix méthodologiques et les sites d’enquêtes qui seront abordés.
Le résumé est à envoyer en copie aux adresses électroniques des coordinateurs/trices : michael.meyer@unil.ch ;adeline.perrot@univ-nantes.fr ; isabelle.zinn@unil.ch

Calendrier de publication :
1er septembre 2015 : proposition d’article
15 octobre 2015 : notification de la décision par les coordinateurs scientifiques du dossier
1er février 2016 : envoi des manuscrits sous format word (25.000-35.000 caractères) et selon les normes éditoriales de la revuehttp://sociologies.revues.org/289

Bibliographie indicative :
Abbott, Andrew (1988), The System of Professions. An Essay on the Division of Expert Labor, Chicago : The University of Chicago Press.
Baszanger, Isabelle & Nicolas, Dodier (1997), « Totalisation et altérité dans l’enquête ethnographique », Revue française de sociologie, 38, 1, pp.37-66.
Burawoy, Michael (2003), « Revisits : A Turn to Reflexive Anthropology », American Sociological Review, 68, pp.645-679.
Cefaï, Daniel (dir.), (2010), L’engagement ethnographique. Paris, Éditions de l’EHESS.
Glaeser, Andreas, (2006), « An ontology for the Ethnographic Analysis of Social Processes : Extending the Extended Case Method », in T.M. Evens & D. Handleman (dir.), The Manchester School : Practice and Ethnographic Praxis in Anthropology, New York / Oxford : Berghahn Books, pp. 64-93.
Marcus, George E. (1995), « Ethnography In/Of the World System : The Emergence of Multisited Ethnography », Annual Review of Anthropology, 24, p. 95-117.
Rémy, Catherine (2009), La fin des bêtes. Une ethnographie de la mise à mort des animaux. Paris : Economica.

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